Jérémy laissa tomber sa sacoche en découvrant son épouse recroquevillée au sol parmi les débris de verre. Il la rejoignit aussi vite qu’il put et la prit dans ses bras.
« Chérie ? »
Seuls les pleurs silencieux lui répondirent, il resserra son étreinte et commença à la bercer.
Au bout d’un temps qui lui parut infini elle lui murmura « Je suis désolée, j’ai cassé ton vase. » Il déposa un baiser sur sa tempe et lui répondit sur le même ton « Ce n’est qu’un vase, ce n’est pas grave. »
Il savait que le vase n’était pas la cause de son chagrin, il ne le savait que trop bien.
Dans ses bras, sa femme, secouée par les sanglots, gardait ses mains crispées sur son ventre. Il sentit la colère l’envahir, depuis combien de temps était-elle en larmes dans le salon ? Quand était-ce arrivé ? Pourquoi il n’avait pas été là ? Pourquoi l’avait-il laissée surmonter ça, seule ?!
Il fit de son mieux pour garder son apparence calme. Il essuya du revers de la main la larme qui naissait aux bords de son œil et couvrit son aimée de ses plus chaleureux baisers. Maintenant qu’il était là, il devait être fort pour soutenir sa tendre moitié blessée au plus profond d’elle-même, pour la deuxième fois.
Quand sa respiration fut plus régulière, Jérémy lui proposa d’aller se coucher, ce qu’elle accepta aussitôt. Il accompagna dans la chambre, la borda du mieux qu’il put dans la couette et prit ses mains dans les siennes. Il attendit qu’elle s’endorme avant de quitter la pièce. Une fois la porte fermée, il laissa ses émotions prendre le dessus et les larmes couler.
Ça n’avait pas marché, encore une fois. Même s’il ne voulait pas y penser une petite voix lui disait « Plus que deux ». Il attrapa un mouchoir et sécha son visage. Son regard tomba sur les morceaux de verres éparpillés au sol. C’était le vase qu’il lui avait offert pour ses 30 ans ; il n’était pas spécialement joli, mais il n’avait aucune envie de s’en débarrasser.
Lorsque sa femme se leva, elle le trouva dans la cuisine en train d’essayer de recoller les morceaux ensemble.
« Tu aurais pu simplement le jeter.
— Je trouve que ça lui donne un certain style. Elle me fait penser à ce lézard en mosaïque que tu aimes tant.
— La salamandre de Gaudi ?
— Salamandre, c’est ça.
— Tu te prends pour un artiste maintenant, dit-elle en souriant.
— Après quinze ans de relation, mon talent caché est découvert ! »
Il colla le dernier morceau et se tourna vers son épouse. Elle passa ses doigts sur l’objet fraichement reconstruit.
Jérémy attrapa ses mains et plongea son regard dans le sien. Il y lu la fatigue, la colère, la tristesse, l’incompréhension, la détresse.
« J’ai posé mon lundi. Partons voir ta salamandre ce week-end. »
Image par Quim Muns de Pixabay
Texte réalisé dans le cadre du défi de Madame Kea Ring : Écrire une histoire à partir d’une œuvre d’art : ici.
N’est-elle pas belle cette salamandre ? Je la trouve magnifique, elle se trouve dans le Parc Güell à Barcelone. Si jamais vous êtes de passage dans la capitale catalane, n’hésitez pas à faire un tour dans le parc, vous en prendrez plein les yeux !
Sinon, on peut pas franchement dire que le texte du jour soit très fun, mais j’espère qu’il vous a quand même plu !
L’inktober reste un défi de dessin, voici les coups de cœur du jour :