Assis sur la balançoire du parc il piétinait le sol pour se mouvoir doucement. Il entendait la musique d’une fête au loin qui battait son plein. Toujours bercé par les allers et venues, il leva les yeux vers la tente montée pour l’occasion. Les lumières s’agitaient dans tous les sens, dans un fabuleux désordre. En tendant l’oreille, il pouvait entendre les rires et les cris de joie. Tout le monde avait l’air bien s’amuser. Sauf lui.
Sentant son air maussade l’envahir il avait préféré s’éloigner, c’était un de ces jours où l’on devait être heureux. Ça n’arrive qu’une fois dans une vie, alors on ne peut qu’être heureux. Qui ne se réjouirait pas du mariage de son petit frère ? Quel sans cœur oserait ?!
Il arrêta la balançoire et fixa le sol de longues minutes. Si seulement c’était si simple. Il était heureux de voir son cadet épouser la femme de sa vie et lui ne leur souhaitait que le meilleur.
On ne pouvait même pas dire qu’il était jaloux. Mais à chaque fois qu’il le voyait franchir une étape, ça lui renvoyait sa propre médiocrité à la gueule. Il était très fier de son frère et sincèrement heureux pour lui. Mais le voir danser avec son épouse, nager dans un bonheur pareil, ça lui était insupportable. Comme si malgré ses dix ans de plus, il avait loupé le croisement et que lui avait trouvé du premier coup.
« Hé ! Ce n’est pas pour les gosses la balançoire ? »
Il leva les yeux et tomba sur un grand gaillard en costume trois pièce, la peau mate et les cheveux frisés.
« Attend, ne dis rien ! Ce mariage est un énorme cliché ! Donc toi, tu es l’amoureux de toujours de la mariée et tu noies on désespoir dans l’alcool avant d’aller faire ton discours ! N’ai-je pas raison ? »
Il le regarda en souriant, où il avait été cherché ça ?
« Absolument pas, je suis le frère du marié.
— Ah mais oui, je suis con ! T’es Isaac, le témoin ?
— Oui, là c’est bon. »
L’inconnu s’installa sur la deuxième balançoire et sortit de son manteau une bouteille de champagne et sa flûte. Il avait été drôlement prévoyant.
« N’empêche que tu pourrais aussi être éperdument amoureux de la
mariée.
— Ça ne risque pas. »
Un silence gênant s’installa entre eux. Isaac soupira. En 2019, sérieusement ? Si ça ne lui plaisait pas qu’il parte, c’était lui le dernier arrivé.
« T’as perdu ta langue ?
— Non, je réfléchis.
— Ah.
— Je me demandais à quel niveau sur l’échelle du cliché on serait si je repartais
avec le témoin. »
Il avait tourné son visage souriant vers lui. Isaac détailla ses traits, il avait une mâchoire très marquée, une barbe d’un jour faussement mal entretenue, de fines lèvres rosées, un nez allongé et de grands yeux noisette. Plutôt bel homme.
Il ramassa sa flûte au sol et la tendit vers l’homme dont il ignorait toujours le nom.
« Si tu veux bien, je ne suis pas contre partager ta bouteille. »
Finalement c’était peut-être plus une aire de jeux qu’un croisement qu’il fallait chercher.
Image par Free-Photos de Pixabay
Alors j’avais dit » oui pour l’Inktober avec un texte tout les jours, je vais faire des tous petits textes. » Bon, bah c’est encore raté… J’espère qu’il vous aura plu malgré sa simplicité criante.
L’Inktober reste quand même un défi dessin, voici mes coups de cœur du jour :