Lou

Lou était installée sur la petite banquette devant le piano droit de sa mère. Elle avait soulevé le couvercle et son regard détaillait chaque touche avec attention. Ce mélange de noir et de blanc dans un alignement parfait l’avait toujours fascinée. Elle avait vu sa mère jouer pendant des heures, les pieds sur le pédalier, les mains dansant d’un accord à l’autre. Elle laissa glisser ses doigts sur le clavier pour la première fois, un léger sourire sur les lèvres; si elle appuyait un son sortirait.

L’instrument avait pris de l’âge et observé les générations se succéder. Il avait vu le mariage de sa grand-mère, la naissance de ses trois enfants, les fiançailles et les mariages de la génération suivante avant de s’installer dans son nouveau chez lui en Bretagne, chez elle. Du salon, avec la mer en toile de fond, il avait assisté aussi bien aux fous rires qu’aux disputes de ses parents, la naissance de sa sœur aînée, avant de voir apparaître Lou. Il l’avait vu dormir dans son cosy, jouer dans son parc, gambader dans son trotteur avant de courir à travers le salon.

Ils s’étaient toujours observés de loin, sa mère lui ayant toujours interdit d’y toucher. Mais elle lui avait aussi promis que plus tard, il serait à elle. Aujourd’hui, une semaine après avoir pleuré tout ce que son âme pouvait contenir, essayé de recoller son cœur brisé, tenté de retrouver sa sérénité, elle avait approché le piano. La douleur se faisait toujours sentir, la peur continuait de la consumer, mais le souvenir de sa mère enchaînant les notes la rassurait.

Maintenant, le piano était à elle ; la vie en avait décidé ainsi.

Elle appuya sur la touche blanche la plus à droite, un son aigu se fit entendre. Elle continua avec sa jumelle noire, puis la voisine blanche, sa copine la noire-

« LOU ?! On n’a pas le temps de jouer ! »

La voix stridente de sa sœur la fit sursauter. Elle se leva rapidement et vit la colère dans les yeux de son aînée.

« Tu m’as promis d’être sage, tu te souviens ? »

Elle baissa les yeux et laissa sa question sans réponse.

« C’est toi qui as insisté pour venir, je t’avais prévenue que j’allais être très occupée. On attend beaucoup de monde, alors sois gentille, ne me complique pas la tâche. Donc tu t’installes dans un coin, tu gribouilles, tu fais ce que tu veux, mais tu ne traînes pas dans mes pattes. »

Lou hocha la tête en silence. Elle s’installa sur une chaise à côté de la porte fenêtre, dans un coin pour être sûre de ne pas déranger. Elle sortit son cahier Zap et un crayon en papier, pendant que sa sœur collait un post-it jaune sur son piano.

Au gros feutre noir était inscrit 100€.

Photo par Tentes de Pixabay

Mon premier défi arrêt sur Image, et j’en suis pas peu fière !
Bon ce n’est pas cette image, car celle proposée j’arrivais pas à savoir si elle était libre de droits. Mais j’ai trouvé celle-ci qui me plait bien !

Image originale se trouve là. Dès que je l’ai vu, ma petite voix intérieur m’a dit : « Elle s’appelle Lou ». Un peu de retournage de cerveau et quelques centaines de mots plus tard voici Lou.

Merci Maud de Keruzal pour l’image inspirante et les Mange-Pierres pour la relecture !