Ma Faim

J’ai faim, terriblement faim. J’ai l’impression que je ne serais jamais rassasiée. Peu importe le nombre de kilomètres que j’avale, ce n’est jamais assez, il m’en faut toujours plus. Une addiction à la liberté, au silence, à la nature, à l’aventure. J’en veux toujours plus. Le soleil qui tape, le vent qui fouette, le froid qui mord, le sable qui se faufile, la boue qui colle, l’orage qui gronde. Je n’ai l’impression d’exister seulement quand mes pieds foulent le sol et m’emmènent ailleurs, loin de chez moi, loin des autres. J’aime mes proches mais, et c’est malheureux à dire, je ne me sens jamais aussi bien que quand je suis seule au bord d’une falaise.
Le problème avec ce genre de besoin vital, c’est que l’idée de travailler dans un bureau vous pouvez oublier. Travailler tout court pour être honnête. Parfois je me dis qu’une addiction à l’héroïne serait probablement moins compliquée à vivre au quotidien ou à expliquer.
Et cette folie des grandeurs coûte un certain prix, donc il faut avoir économisé. Et même avant cela, faudrait-il en avoir gagné un minimum. Ou avoir des parents particulièrement riches. Et pour le coup je suis plutôt gâtée. Etant l’heureuse future héritière d’une dette faramineuse de cumul de prêts à la consommation de parents qui ont bien du mal à joindre les deux bouts, je ne suis pas à plaindre. Alors autant être honnête, je suis prête à tout pour avoir un ticket vers ma liberté, un ticket pour apaiser ma faim.
Après tout ne dit-on pas la faim justifie les moyens ? À moins que ce soit la fin justifie les moyens… Ayant grandi dans une région où l’on ne différencie pas ‘lait’ et ‘les’ à l’oral je n’en sais trop rien. Et la faim a toujours été le problème majeur de la famille. Se nourrir a toujours été une fin en soi.
La faim et la fuite. Fuir cette région, fuir ce monde croupi, fuir ces gens sans saveur, fuir ces ruines, fuir l’alcoolisme, le chômage et la honte. Surtout la honte, cette honte qu’on a appris à cultiver, à grandir, à grossir et à valoriser. Cette honte qui te suit comme ton ombre, cette honte d’être née comme un cliché simplement parce que tu existes.
Alors quand on m’a parlé d’un bon plan pour partir gratuitement, je ne me suis pas posée deux fois la question. Un voyage en Amérique du sud pour six mois à pied avec tout le matériel nécessaire, aux frais de futurs héritiers impatients ? Je prends.
La petite vieille bienveillante mais surtout milliardaire n’accordera ses euros à sa descendance que si on la trimbale en Amérique latine, que si on lui fait grimper la cordillère des Andes, que si on lui fait tremper les pieds dans l’Amazone, que si on la fait danser Rio de Janeiro, que si on la laisse terminer dignement par le cap Horn. En somme, faire plaisir à la grand-mère pour qu’ils récupèrent ses deniers.
Le deal est simple, voyager avec Mamie, prendre des photos et tenir des carnets de route.
Même si Mamie est à l’état de cendre.
Après tout, la fin justifie les moyens, peu importe notre mets de prédilection.


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Ceci est encore un fond de tiroir, et pour le coup je n’ai plus aucune idée du pourquoi du comment… J’espère que cela vous a plu quand même !

Ma Faim
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