Pénélope – Wild

Pénélope accrocha ses clefs sur le crochet à côté de la porte, retira ses chaussures en cuir à petit talon et son manteau en laine noir. Elle laissa échapper un soupir avant d’aller s’assoir en tailleur dans son canapé. Elle avait passé une soirée pour le moins atroce. Les événements lui revenaient en tête avec violence, déclenchant une crise de larmes. 

Elle se revoyait assise dans le restaurant, face à son compagnon, l’écoutant dresser son portait, malgré elle. Gentille, généreuse, respectable, intelligente, honnête, élégante, bref jamais un impair, jamais un oubli, jamais une mauvaise surprise. Il avait même osé dire, qu’elle était la copine que tout le monde voulait avoir.

« Notre relation est trop lisse, trop millimétré ; ça manque de défaut, de folie, de contre-temps ! Tu es trop parfaite, est ce que tu peux comprendre que c’est fatiguant pour moi ? »

Et il avait terminé en disant qu’il valait mieux qu’ils s’arrêtent là. Pénélope était restée silencieuse de longue minutes, au bout d’un moment il s’était levé annonçant qu’il allait payer pour les deux. Puis il avait disparu, la laissant seule au milieu de tous ses regards qui la jugeait. 

Elle défit son chignon, arrachant presque l’élastique, puis cacha son visage larmoyant dans ses mains, ses doigts agrippant avec force sa frange.

Est ce qu’il avait la moindre idée des efforts qu’elle faisait pour être parfaite ?! Comme si c’était inné d’être toujours au top de sa vie ! Il croyait que c’était facile d’être aux petits soins avec tout le monde, de ne jamais faire de vagues, d’être souriante, aimable, agréable, intéressante dans toutes les situations ?! Que c’était confortable de faire attention à tous ses faits et gestes, de perdre du temps ici et là pour faire plaisir à tout le monde ! Et tout ça pour quoi ? Pour se faire larguer à la fin d’un repas par un abruti pareil ?! Il voulait qu’elle soit moins parfaite ? Il aurait pu lui dire, avant de la laisser comme une idiote au restaurant ! 

Elle hurla de peine et de frustration, secouant ses cheveux avec ardeur.

Trop parfaite ? Depuis quand c’était une excuse valable pour laisser quelqu’un sur le carreau !

Pénélope croisa son reflet dans le miroir posé sur l’ancienne cheminée ; son maquillage avait coulé, ses cheveux étaient en pagaille, elle était méconnaissable. Elle ressemblait à ces petites filles qui se sont battues dans la cour de l’école, celles qui se sautent dessus sans réfléchir, seule la colère les guidait. Sa mère les qualifiait de petites sauvages avec dégoût.

C’était ce qu’elle était, une sauvage ? Elle se regarda de nouveau et étala son rouge à lèvres sur sa joue du revers de sa main. Brut, pas sauvage. C’était ce qu’elle était avant qu’on l’étire dans tous les sens, qu’on l’essore, qu’on la compresse sans ménagement pour la faire rentrer dans cette foutue boîte. 

Trop parfaite ?

Elle se leva, descendit le miroir et le posa au sol avant de partir dans son bureau. Elle ouvrit un tiroir, fermé à clé, et en sortit un reflex de très bonne facture. Une fois de retour dans le salon, elle sortit une bouteille de saint Émilion et se servit un verre. 

Elle avait tout préparé pour terminer la soirée de leur 5 ans en beauté. Elle y avait passé des heures, c’était pour en profiter un minimum. 

Elle se mit en sous-vêtements et s’assit sur le tapis au pied du canapé, son verre à vin à portée de main. 

Pénélope attrapa son appareil photo, déclencha le retardateur et le posa entre ses cuisses. La lumière orange clignotait à un rythme régulier. Elle attrapa son verre et commença à boire, c’était un vin qu’il fallait prendre le temps d’apprécier. La lumière accéléra la cadence, elle pencha son verre plus fort au point d’en faire dégouliner la boisson par la commissure de ses lèvres. Et finalement le déclic se fit entendre. 

Elle posa son verre et regarda la photo satisfaite du résultat. Elle envoya le cliché à son ex, avec comme simple légende « Il suffisait de demander, connard. »

Son téléphone sonna dans la minute qui suivit. Pénélope raccrocha et bloqua le numéro. 

Elle posa son verre à moitié vide et partit chercher le reste de son matériel dans le bureau. Pour cette nuit, elle reprenait la photo. 


Image par Rudy and Peter Skitterians de Pixabay

Un de mes défis pendant ce inktober/textober c’était d’être concise. Bon. Ce n’est pas encore ça. Et le pire, c’est que j’ai fait du vide ! Je vais essayer d’être un peu plus courte pour le prochain… mais n’y comptez pas trop quand même !

L’Inktober reste quand même un défi dessin, voici mes coups de cœur du jour :

https://www.instagram.com/p/B3r3CYDi9hg/
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