Tellement cliché

« Tu te souviens de notre première rencontre ? C’était tellement cliché ! Tu avais poussé la porte de mon bar, trempée de la tête aux pieds dans ta robe rouge, et fait claquer tes talons hauts sur mon parquet tout juste ciré. Je ne vais pas te mentir tu m’as fait tout de suite forte impression ; celle qui allait ruiner mes heures de travail avec ses chaussures bas de gamme. Tu t’étais avancée vers le comptoir dans un boucan incroyable avant de t’affaler dessus, tes cheveux bouclés cachant ton visage. Un double whisky. Je me souviens encore de ce ton froid que tu avais employé ; au demeurant, fort peu agréable. Cette intonation m’avait agacé, et puis tes cheveux noirs éparpillés comme une méduse sur mon velours n’aidant pas non plus ; j’ai toujours préféré les gens plus raffinés vois-tu. Du coup j’ai choisi de t’ignorer, et ça ne t’a pas plu. En même temps je comprends, dans ce genre de situation je serais le premier à perdre mon sang froid. Hey, j’ai demandé un double whisky ! Tu avais enfin relevé la tête et viré tes tentacules de mon bar,  un bon point. Mais quand je vis ton visage ; une horreur. Ton maquillage avait dégouliné et tes yeux étaient rouges ; tellement déplaisant à voir. Je ne savais pas que ce genre de situation clichée pouvait exister en dehors des films. J’avais essayé de te sourire ; avec le recul, pas bien certain que ça ait fonctionné. Tu m’as répété un double whisky, en séparant chaque syllabe ; ton regard de drogué ancré dans le mien. Tu sais tes pupilles brunes, habituellement d’un banal affligeant, sont plutôt jolies quand elles sont noyées dans un reste de larmes. Tu m’as un peu séduit ; enfin suffisamment pour capter mon attention. Alors j’ai approché mon visage du tien, et lorsque ton odeur est arrivée à mon nez j’ai souri ; un sincère cette fois-ci je te le promets. Tu sentais le sexe, tu avais cette odeur tellement caractéristique qui mélange deux parfums. J’ai toujours été attiré par ce qui appartient aux autres, je suppose que ça fait aussi mon charme. Et là, enivré par le challenge, je t’ai dis Plait-il ? Tu te souviens ? J’étais tellement fier de mon petit effet. Mais le tien, n’était pas mal non plus. Tu sais, quand tu as mordu ta lèvre inférieure couverte de gloss et que j’ai entrevu ton piercing à la langue. Tu jouais la fausse prude sexy. Jolie prestation. En y repensant j’aurais dû le voir venir ; vous êtes les pires. Menteuses, manipulatrices, d’odieuses créatures avides de tout ; on ne peut pas vous faire confiance… Soit. A ce moment précis, mon regard plongé dans le tien je t’ai chuchoté Je suis avare d’alcool avec les gens avares de politesse. D’un point de vu tout à fait personnel, je me serais décerné un prix pour cette réplique. Mais tu as fait mieux. Tellement mieux. Tu te rappelles ? Alors que je m’éloignai tu as attrapé mon col et tu m’as embrassé. Proche de la perfection. Regarde ! Mes poils se dressent rien qu’en y repensant. Rha tellement cliché ! Tu sais, je me suis toujours demandé, qu’est ce qui t’a poussée à me sauter dessus ce jour-là… Peut être que tu savais déjà… J’imagine que je ne le saurai jamais. »

Il embrassa la main qui était entrelacée à la sienne. Il la reposa doucement sur le sol et se leva. Il s’avança vers la porte laissant derrière lui un corps sans vie dans une robe rouge de sang.


Version longue de l’atelier d’écriture de mois de février ! Ils ont dit qu’en février c’était les crêpes ou l’amour. Eux ils voulaient de la guimauve avec le souvenir impérissable de la première rencontre. Moi je voulais les crêpes. Du coup j’étais un peu contrariée. Du coup elle est morte. Voilà. Faut pas me chercher.

Si vous fouillez sur le site vous trouverez la version qui rentre dans 2000 signes, mais je vous la mets pas parce qu’elle me plait beaucoup moins. C’est un massacre de personnages…

Par contre si vous avez un peu de temps allez jeter au travail des autres, il y a des gens talentueux et en plus, la guimauve ne leur fait pas peur ! (par là)

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