« Vous me disiez que vous avez du mal à avoir des relations normales avec les autres ?
— Même les pas normales je prendrais. Au début tout va bien, mais à un certain moment les gens me fuient.
— Et vous avez remarqué une situation particulière au moment où ces gens vous fuient ?
— C’est quand je commence à avoir des idées noires.
— Justine, ne pensez-vous pas que ces idées noires sont la conséquence de votre solitude et non l’inverse ?
Elle se releva du divan et dévisagea sa psy.
« Restez couchée, c’est important pour le processus d’introspection. »
Elle se rallongea et garda le silence. La séance était commencée depuis à peine cinq minutes, qu’elle en avait déjà ras le bol. À 80 balles à demi-heure elle pouvait au moins faire semblant de la croire pendant la moitié non ? C’était quoi ce ton dédaigneux qu’elle s’autorisait à prendre avec une patiente ! Elle savait qu’elle aurait dû se douter, dès qu’elle l’avait vu arriver dans la salle d’attente dans sa robe vert foncé. On aurait dit un arbre mort colonisé par la mousse.
Elle était en train de dépérir, de se casser, de se faire bouffer de l’intérieur par les insectes et de l’extérieur par les éléments. Chaque morceau de chair a été attaqué, troué, découpé avec soin par des larves. Ses cheveux n’étaient plus attachés dans son chignon strict, mais cachaient une colonie d’araignée. Comme la carcasse d’un arbre centenaire, elle finirait broyée dans une machine, réduit en miettes, hurlant de douleur quand-
« STOP ! »
Justine se releva et observa sa psy blanche comme un linge, les yeux en larmes, des perles de transpiration sur le front, la respiration désordonnée.
« Excusez-moi, je …
— J’ai dit quelque chose ?
— Non, c’est moi. Je crois qu’on va s’arrêter là pour aujourd’hui. Je dois couvrir quelque chose. Je suis désolée, mais je ne suis pas en état de suivre. Ma secrétaire vous donnera un autre rendez-vous. »
Justine sortit du divan et récupéra ses affaires sans plus de cérémonie.
Avant de sortir, elle lança.
« Voyez, à chaque fois que j’ai des idées noires, les gens me fuient. »
Image par Brita Seifert de Pixabay
Texte réalisé dans le cadre du défi de Madame Kea Ring : Décrire un personnage ayant le même nom que le saint du jour. Les autres participations se trouvent ici.
Un peu de fantastique, ça change ! Je trouvais que le mot Dark se prêtait bien au genre, même si ce n’est pas ma spécialité. Le textober est aussi là pour tester !
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« Elle savait qu’elle aurait dû se douter, dès qu’elle l’avait vu arriver dans la salle d’attente dans sa robe vert foncé. On aurait dit un arbre mort colonisé par la mousse. » J’ai adoré ces deux phrases <3
Merciiiiiii ! Heureuse que cela t’ai plu !