Ceci est la douzième partie de la nouvelle Saranghae.
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Sinon bonne lecture !
Rose sursauta quand la porte s’ouvrit. Cela faisait trois heures qu’elle attendait sagement sur le canapé de la collocation que Lorna rentre.
« Qu’est-ce que tu fais là ?! demanda la chimiste, entre l’énervement et la surprise.
— Tu ne-
— Jade ! comprit Lorna. Elle ne peut pas s’occuper de ses oignons trente secondes ! Au cas où ce n’était pas assez clair : tu n’es pas la bienvenue ! Contrairement à ce que Jade a dû te dire ! Donc, dehors, termina-t-elle en désignant la porte.
— Est-ce qu’on peut parler ?
— T’es stupide ou tu le fais exprès ? A ton avis, si j’ignore tous tes appels, c’est pourquoi ?
— Et à ton avis si je t’appelle dix fois par jour, c’est pourquoi ? répondit Rose sur le même ton. J’admets que je n’ai pas été maligne, mais je pense que j’ai le droit de m’expliquer.
— Je ne-
— Je parle et tu écoutes, la coupa Rose. Si après ça tu ne veux plus me voir, soit il en sera ainsi. »
Lorna soupira et s’installa avec nonchalance sur le pouf en face d’elle et lui fit signe de continuer. Rose prit la parole, la voix tremblante :
« Je suis désolée de t’avoir embrassée sans prévenir. Je suis désolée, parce que je t’ai blessée et ce n’était pas mon intention. Je regrette que ce se soit passé ainsi.
— Je-
— Je n’ai pas fini ! l’interrompit-elle en serrant les poings. Je regrette la façon dont ça s’est passée, mais je ne regrette pas mon acte. Je pourrais te mentir et te dire que je ne sais pas ce qu’il m’a pris, que l’alcool m’a monté à la tête, que je n’étais pas dans mon état normal. Mais c’est faux. Je sais que si on remontait le temps, j’en aurais toujours autant envie et je recommencerais si j’avais ton consentement. »
Rose prit une profonde inspiration, tout se jouait maintenant. Elle planta son regard dans celui de Lorna et se lança : « Je t’aime, comme je n’ai jamais aimé quelqu’un. Et cet amour irrationnel me rend dingue. J’ai essayé de m’enfuir, mais à chaque fois je te retrouvais. Je suis complètement addicte à ta présence, à ta joie de vivre, à ta gentillesse. Je n’aurais pas dû tomber amoureuse. Je savais qu’il y avait Marie, je savais que dès que tu quittais mon appart tu l’appelais. Mais je ne l’explique pas, malgré tout je n’attendais que ton retour. Alors quand tu m’as dit que c’était fini, j’ai perdu les pédales et j’ai fait ce dont je rêvais depuis des semaines. C’était aussi irrationnel que spontané. Je t’aime Lorna. »
Un silence gênant s’installa entre elles. Le cœur de Rose battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle n’avait pas souvenir d’avoir été aussi sincère, une vraie mise à nue. La chimiste détourna le regard vers la fenêtre, brisant les espoirs de Rose. La peur l’envahit contre son gré, lui laissant la désagréable sensation d’être aspirée par l’intérieur, comme si son âme la traînait en enfer. Lorna reprit d’une voix posée :
« Tu ne devrais pas m’aimer. Je ne suis pas celle que tu crois. J’ai forcé Marie à rester avec moi alors que ça n’allait plus depuis des lustres. J’ai créé des obligations de toutes pièces pour ne pas me retrouver toute seule. Et quand j’étais au plus bas, tu es apparue : jeune et jolie, timide mais pleine de vie. Je voulais juste lire l’envie dans tes yeux, pour satisfaire mon égo blessé. J’avais envie de voir si je valais encore quelque chose. Je suis désolée que cela ait pris de telles proportions pour toi.
— Pourquoi tu as quitté Marie ? demanda Rose, dans un ultime recours.
— Parce que ça aurait dû être fait depuis bien longtemps.
— Donc ça n’a rien à voir avec moi ?
— Sorry. »
Rose rassembla ses affaires, le cœur lourd. C’était dur à entendre et elle ne s’était pas préparée à ça. Elle posa les clés de Jade sur le bahut du salon et partit sans un mot.
Rose s’engagea dans les escaliers en courant. C’était fini. Avant même d’avoir réellement commencé. Les larmes lui montaient aux yeux, lui brouillant la vue. Elle bouscula un couple, et s’excusa rapidement avant de reprendre.
« Rose ?! » l’interpella une voix qui ressemblait à celle de Jade, mais c’était trop tard. Elle quitta l’immeuble, poussée dans la fraîcheur de l’hiver naissant par l’élégie de son âme meurtrie.
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